La 45ème édition du meeting aérien de la Ferté-Alais (3 et 4 juin 2017) marque le grand retour d’Air France en clôture d’un spectacle de près de 5 heures, à couper le souffle. Se renouveler est le challenge auquel est confrontée chaque année l’Amicale Jean-Baptiste Salis, organisatrice du plus grand show aérien français. Mais ce n’est pas le seul défi qu’elle doit relever : l’inflation des coûts de sûreté et de sécurité (140.000 euros en 2017) conjuguée à la désertion des grands partenaires historiques est devenu un casse-tête.
Cyrille Valente préside depuis 7 ans l’Amicale Jean Baptiste Salis, c’est donc la 7ème fois qu’il endosse la lourde responsabilité du meeting annuel du plateau de Cerny, devenu en 45 années successives, l’un des plus grands spectacles aérien dans l’hexagone et bien au-delà. A la tête d’une quinzaine de “chefs de services” bénévoles engagés dans la préparation, il va prendre en charge tout ce qui fait qu’une manifestation d’une telle importance peut avoir lieu : le « politique », le « financier » et la « logistique » représentent les pierres angulaires de l’édifice.
L’envolée des coûts liés à la sûreté et à la sécurité
«Si la partie relationnelle et politique devient de moins en moins difficile car notre notoriété et l’antériorité font que les institutions nous font maintenant confiance, si l’expérience nous permet de bien maîtriser la logistique, la partie financière prend désormais le pas et avec Thierry Demessence qui me seconde, nous passons une grande partie de l’année à cette quête financements… » explique Cyrille Valente. ..« Et le résultat de cette recherche est de plus en plus prégnant car la perte de gros partenaires nous oblige à devoir les remplacer et dans le contexte d’attentisme actuel, ça devient très compliqué» ajoute-t’il. C’est encore plus vrai depuis que les coûts liés à la sûreté et la sécurité ont littéralement explosé. Et c’est là que le bât blesse !
Un crédo : La protection du public
En matière de protection des spectateurs, l’AJBS avait, en 2016 déjà, largement anticipé ce qui aurait pu lui être imposé en proposant un niveau très élevé de sûreté et de contrôle des entrées, avec la mise en place de barrières Heras (hauteur de 2 m) destinées à clôturer la zone publique et les parkings autos, de Postes d’Inspection Filtrage (PIF), et réfléchi à une évaluation confortable du nombre d’agents de sécurité et de gardiennage (agréés par la Préfecture : coût de l’opération 30 K€). Ces mesures ayant satisfait le Sous Préfet de l’Essonne, ce dernier n’a pas jugé bon, heureusement, de surenchérir pour cette nouvelle édition, se contentant de demander un contrôle visuel par les préposés aux entrées et une ouverture volontaire des sacs, sans palpation.
Il n’en reste pas moins que le budget qui prend en compte sécurité des présentations en vol (SSLIA) et du public, avec activation immédiate du plan ORSEC en cas de besoin, reste très élevé (de l’ordre 140.000 €), bien supérieur à celui du plateau des présentations.
Un budget de plus en plus difficile à boucler
Cette année, plus que les précédentes, Cyrille exprime son inquiétude quant au résultat : « Nous n’avons pas voulu augmenter le tarif des entrées, ne pas pénaliser le public, ce n’est pas l’objectif… Partant de là, dans la mesure où nous n’obtenons plus de subventions des organismes institutionnels, si ce n’est le soutien de la Communauté de Communes, nous ne sommes pas du tout certains d’atteindre l’équilibre dépenses/recettes cette année… C’est préoccupant pour l’avenir du meeting ! Nous allons donc devoir développer de manière très importante le partenariat dans le futur et mon rôle le jour du meeting va être de mettre en œuvre un important lobbying pour rechercher des fonds pour les éditions futures ! »
Une Direction des Vols atypique
Michel Geindre, quant à lui, va vivre cette année son 15ème meeting dans l’équipe de direction des vols mais depuis 5 éditions, il est « en place gauche », directement aux commandes. Rien de très étonnant pourrait-on croire, c’est aussi le cas pour bien d’autres meetings, mais la particularité de son poste, à La Ferté, ne s’arrête pas au seul rôle de chef d’orchestre le jour venu, comme on le rencontre partout ailleurs…
Michel est aussi celui qui, pas à pas, va construire les séquences composant le show (de plus de 5 heures non stop) et les mettre en forme pour en faire un tout cohérent : « Je pars d’une nouvelle feuille blanche à l’issue de chaque édition et pendant l’été, je vais faire mon marché sur d’autres meetings importants, dans le but de trouver de nouveaux présentateurs, car l’objectif est bien d’apporter du nouveau chaque année, même si les principales ressources se trouvent sur place au sein des collections basées. Ce travail de recherche très chronophage n’aboutit pas toujours, essentiellement pour un problème de coût, car les avions très exceptionnels sont évidemment les plus onéreux. Il faut alors faire preuve d’imagination et…faire du neuf avec du vieux… imaginer de nouveaux scénarii. »
Même si le déroulé du meeting reste chronologique de manière à écrire chaque fois une nouvelle page retraçant plus de 100 ans d’histoire de l’Aviation, il lui faudra, d’une année sur l’autre repenser les tableaux, de manière à ne pas donner l’impression de déjà-vu : « J’utilise aussi les anniversaires de telle machine ou de tel événement, qui bien sûr changent sans cesse. Ainsi, en guise de clin d’œil à Auguste Mudry, qui aurait eu 100 ans en 2017, nous avons réalisé un tableau avec tous les modèles de CAP, issues de son atelier de Bernay. Cette formation de 10 machines aura Jean-Marie Saget lui-même comme leader. Nous fêterons aussi l’anniversaire de Jeannot Salis qui, à 80 printemps, va leader une patrouille de 5 Piper… »
Le grand retour d’Air France à la Ferté
Mais le clou du spectacle, le moment sans doute le plus attendu, va résider dans le retour d’Air France dans un meeting aérien, avec la présence d’un « triple 7 » encadré par les Alphajet de la Patrouille de France (le samedi seulement). Si ce n’est pas une première puisque déjà, en 1987, ce type de dispositif avait été réalisé avec Concorde en vedette, ce tableau, sans doute unique en son genre actuellement, a nécessité de nombreuses réunions, briefings et mises au point entre les différents acteurs, pilotes du Boeing et de la PAF, avant d’être accepté par les autorités de contrôle. Dans le contexte actuel, on ne joue pas avec la sécurité ! C’est sans doute grâce à cette minutieuse préparation que le feu vert a été donné…
Alors vient le temps de rythmer le programme, puis de « l’habiller ». Pour cela, le DV va travailler en collaboration avec Bernard Chabbert, conteur et historien, commentateur depuis des décennies et avec Gilbert Courtois, le sound designer, géniteur de tant de musiques de grands films historiques, qui va créer la bande originale de cette super-production, écrire les musiques et créer les effets sonores. A partir de cette phase c’est tout un travail d’équipe qui se met en place.
Michel va ensuite « timer » le programme pour rendre l’ensemble fluide et dynamique, faire en sorte de maintenir le spectateur en haleine, en ayant toujours des évolutions à la verticale de la piste. On imagine volontiers le nombre de réunions en interne et avec les organismes officiels qui ont été nécessaires à l’aboutissement d’une telle “entreprise” !
Un travail d’équipe
Ces deux personnages clefs sont en première ligne, le plus souvent la “tête dans le guidon” pour faire face aux multiples écueils qu’il faudra surmonter coûte que coûte pour qu’au petit matin du samedi, le rideau puisse se lever sereinement sur cette 45ème édition. Sous les projecteurs, cinq heures durant, les pilotes bien sûr… ils font le spectacle, sont l’objet d’admiration, signent les autographes, se plient au jeu des selfies avec le public ….
Puis il y a les obscurs, les sans grades, les petites mains, les mécanos qui préparent les machines dans un temps record, les (plus ou moins) gros-bras poseurs de barrières et des infrastructures nécessaires pour accueillir le public, les pousseurs, les parqueurs, les tenanciers des buvettes, autrement dit les quelques 300 bénévoles qui représentent autant de rouages totalement indispensables au bon fonctionnement de l’ensemble… mais d’eux on ne parle pas souvent…
Que justice leur soit ici rendue !
Philippe CHETAIL