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Jean-Marc d’HULST, pilote de voltige et propriétaire d’un SA300 STARDUSTER (F-PFJP) participe à des meetings aériens et des Salons Internationaux (le Bourget – Farnborough – Berlin…) depuis une petite dizaine d’années, avec pour partenaire la Société Trescal, spécialisée dans la vérification, l’étalonnage et la réparation d’appareils de mesures. Le printemps dernier a été l’occasion pour lui de montrer aussi ses capacités de navigation en se glissant dans les traces de Pierre Georges Latécoère, pionnier de la Ligne.

Le projet est un peu fou : 2500 km de Château-Thierry à Marrakech avec un biplan de voltige torpédo qui n’est pas vraiment « taillé » pour le voyage, traverser l’hexagone, l’Espagne, le Maroc, ce n’est vraiment pas gagné !

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Cependant, la présence d’un biplan venant depuis la France attire l’attention des responsables du Salon de Marrakech. L’épopée Aéropostale est toujours présente dans les mémoires et les organisateurs du Salon demandent alors à Jean Marc d’accepter de revenir sur les traces du premier vol transcontinental réalisé il y a presque 100 ans, le 19 Mars 1919 par Pierre Georges Latécoère, de Toulouse à Casablanca.Si l’idée pouvait paraître séduisante, sa réalisation tant sur le plan administratif que technique ne semblait pas aussi simple. Après de nombreuses tractations avec l’Office national des Aéroport du Maroc, dans un contexte sécuritaire tendu, l’obtention du créneau pour faire atterrir le Starduster à l’Aéroport International Mohammed V et d’innombrables discussions au cours desquelles Trescal a pu imposer ses conditions nécessaires à l’accueil de ses invités…l’autorisation d’atterrir après avoir d’effectué un passage à 150 ft sur la piste, avec le fumigène est accordée…. Il ne restait à Jean Marc qu’à s’atteler  à la préparation du raid et ce ne fut pas la partie la plus simple : Consulter les statistiques météo sur le trajet, décortiquer le trajet de Latécoère et les options choisies, évalue les risques au sol, vérifier l’autonomie de l’appareil, définir la vitesse de croisière la plus économique,  choisir les niveaux de vol possibles,  déterminer les étapes : éviter les très gros aéroports, mais trouver au minimum le ravitaillement, la douane, un hangar, l’hébergement pour la nuit… autant de paramètres à prendre en compte !

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Le mois d’avril n’est pas non plus la meilleure époque pour envisager un tel « trip » : vents dominants d’ouest, alternance de fronts froids et de fronts chauds… Notre pilote décidera donc d’éviter les zones montagneuses ;  il contournera le massif Central par l’ouest de Limoges, évitera le survol des Pyrénées en rejoignant Barcelone par le col du Perthus, il contournera l’Espagne par l’Est (climat méditerranéen) en privilégiant les survols maritimes ; et se redoublera de vigilance à l’approche du détroit de Gibraltar, confluent du climat méditerranéen et de l’influence atlantique avec ses vents violent. L’escale se fera à Tétouan ou Tanger suivant le vent dominant.

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Deux pilotes à bord du Starduster (Olivier Delrieu, PDG du groupe Trescal, sera le co-pilote du raid) ne laissent aucune place pour les bagages et le minimum d’huile et d’outillage nécessaires à la réalisation d’au moins 40 heures de vol, dont une bonne part en zone inhospitalière.  Un avion (Wassmer 54) avec 2 pilotes à bord servira d’assistance et de transport à 130 kg de bagages, d’huile et d’outillage

Le départ pour Toulouse est fixé le 18 avril. Vol glacial mais sans histoire de Château Thierry à Francazal avec une étape à Périgueux. L’accueil à Francazal est excellent mais le vrai départ est pour le lendemain où après un une petite cérémonie prévue pour rappeler l’exploit de P.G. Latécoère, le décollage a lieu en milieu de journée. Les 2 avions feront route vers Sabadell et Muchamiel… première grande étape avec des survols maritimes et utilisation du réservoir supplémentaire.

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 Le vol se poursuit en ce 3ème jour avec l’objectif d’atteindreTetouan, premier terrain douanier au Maroc, en face de Gibraltar, sur la côte méditerranéenne mais 15 minutes avant l’arrivée sur Almeria, des stratus accrochés sur les reliefs obligent les pilotes à descendre à 800 ft QNH en contournant les  reliefs sur la mer. La piste immense attend le petit biplan. Le service est parfait, et le prix va de pair : près de 300€ pour le handling et l’Avgas à 2,80 €/L !!!  Foutue météo…. L’équipage devra remettre au lendemain ses espoirs de traversée vers le Maroc.

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Météo excellente le lendemain avec l’espoir de rejoindre Tit Mellil (Casablanca)… non sans affronter le transit dans la zone de Malaga au trafic commercial  intense où l’écheveau des points de report donnerait la migraine au plus averti des pilotes VFR. Un véritable cauchemar pour l’équipage !

Traversée du mythique détroit de Gibraltar et son rocher… la côte Marocaine se découpe à l’horizon…

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Magnifique approche sur la ville de Tétouan encadrée par les montagnes du Rift Marocain. Posé. 2H30 de vol depuis Almeria… Cette fois le petit avion est attendu ! Gendarmerie Royale, Police locale, autorités locales, délégation de l’ONDA. Mises à part les formalités et contrôles interminables qui se confirmeront sur toutes les étapes, l’accueil des marocains est excellent, le séjour s’annonce sur de bons auspices. Puis c’est la « photo souvenir » ou tout le monde se précipite pour être sur le cliché. Changement de rythme ! Il faut être  patient,  très patient….

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Les plein sont faits à la pompe à main sur des fûts dont la date est périmée depuis plus d’un an… et c’est le décollage pour Casablanca qui nous attend l’appareil en fin d’après-midi. Vol vers Casa en longeant la cote tout en évitant la ville de Rabat et toutes les zones interdites qui, semble t-il, correspondent à des résidences royales ou des zones d’entrainement militaire. Les paysages sont arides, mais tout de même verdoyants dans les vallées sous l’influence océanique. La couverture radio est très mauvaise et le contact est établi tardivement avec Casablanca App. Le Wasmer 54 d’assistance est déjà arrivé. Reste à poser le Starduster sur une piste en dur courte, en pente et de 15 mètre de largeur,  peine, entourée d’herbes hautes ! Un poil de vent de travers, une visibilité devant quasi nulle devant…. presque un atterrissage en brousse ! Un peu d’herbe dans la roue gauche, mais tout est bien qui finit bien ! L’avion est posé à Casablanca !

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4 jours se sont passés depuis le décollage de France… Ce Vendredi 22 Avril, verra l’arrivée officielle du Raid Trescal sur l’Aéroport International de Casablanca Mohammed V ! Le but est au bout du capot ! et l’avion et sont équipage sont attendus par les autorités officielles du Maroc, 15 journalistes de la presse et 2 télévisions nationales, le directeur Général de l’ONDA, le président du Raid Latécoère porteur d’un message de soutien de Marie-Vincente Latécoère, le staff de Trescal Maroc, et de nombreux industriels qui ont fait le déplacement pour l’occasion. Discours et interviews se succèdent.

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C’est sans doute à ce moment que Jean Marc réalise le chemin parcouru depuis Paris et Toulouse, la fatigue accumulée par les 2 équipages depuis le début du voyage, la chance d’avoir rencontré une météo « volable »   malgré une étape décalée, et l’aide précieuse apporté par l’équipe du « Raid Latécoère », partageant son expérience sur ce parcours qu’elle connaît parfaitement.

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Il s’ensuivra 4 jours de présentation aériennes pour le petit biplan, à raison de 2  vols par jour, au cours  du Salon Aéronautique International de Marrakech (Marrakech Air Show) … au milieu des patrouilles acrobatiques internationales (Maroc, Espagne, Italie ..), F16, hélicoptères militaires … et d’une présence américaine très importante !  Le Starduster était le seul avion civil présenté en vol pendant le salon…

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Le raid sur Casablanca a porté ses fruits, le Stand trescal n’a pas désempli durant le salon. L’objectif est atteint.

Le départ se fera dès le lendemain de la fermeture du salon. Le petit avion blanc et bleu rejoindra directement Tétouan en longeant le moyen Atlas, avec une escale à Fes et le survol des magnifiques lacs de barrage dans le Rift marocain. Malgré la présence d’un fort vent sur Tétouan et une approche un peu mouvementée, l’atterrissage se fera sans problème.

La suite du trajet retour sera réalisée en utilisant les mêmes escales qu’à l’aller : Tétouan, Alméria, Muchamiel, Sabadell, Francazal, et Périgueux.

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Après une opération de communication qui a dépassé toutes les espérances pour Trescal, 45 heures de vol dans un confort très relatif, une expérience aéronautique et humaine exceptionnelle, la prise de conscience que les conditions météorologiques sont toujours aussi déterminantes pour le vol VFR, le Starduster de retour au bercail se pose à Château-Thierry, son « port d’attache » le 4 Avril 2016… signant ainsi la fin d’une belle aventure qui trouvera peut-être son prolongement dans deux ans pour le centenaire du 1er vol d Latécoère.

Depuis son retour, Jean Marc et son Starduster enchaine les meetings… Pour le pilote cette parenthèse aventureuse de pilote défricheur de la « Ligne » restera à jamais gravée dans ses souvenirs. Pour le petit biplan qui a repris son rôle de « voltigeur » c’est un retour à sa vocation initiale … Celle de ravir le public de ses élégantes arabesques… et même si parfois il se découvre une âme de voyageur … Il est décidément plutôt fait pour çà !