Annulé l’an dernier pour cause de crise sanitaire, repoussé par deux fois cette année, la 48ème édition de la Grande fête Aérienne de La Ferté Alais, attendue par des milliers de passionnés a bien eu lieu, pour le bonheur de tous et ce qui devait être une version quelque peu édulcorée du fait des contraintes financières et sanitaires, s’est révélé un nouveau grand meeting où plus de 15 000 passionnés d’aviation ancienne et moderne, civile et militaire se sont une fois encore donnés rendez-vous dans le cadre historique et champêtre du célèbre aérodrome du plateau de Cerny.
Il est inutile de redire une fois encore que le traditionnel meeting de La Ferté Alais, qui, depuis 1970, au temps où il n’était qu’une petite fête aérienne montée de bric et de broc par les passionnés qui sévissaient sur le “porte avion” du plateau de l’Ardennais, est devenu au fil des années ce que l’on connaît aujourd’hui… autrement dit et sans subjectivité excessive, l’un des meetings les plus réputés de notre planète…
Une version allégée ? Cà alors !
Il nous avait été annoncé une version édulcorée de ce que nous avions l’habitude de vivre les années passées, nombre de subsides réservées habituellement au spectacle « passant » dans la prise en charge des obligations à mettre en place pour la « gestion » des mesures obligatoires et imposées par les autorités, désireuses de ne pas voir se propager cette foutue épidémie à cause d’une manifestation qu’ils auraient acceptée… Jauge ou pas jauge ? Pass sanitaire obligatoire ? Port du masque et application des gestes barrière ? Qu’en était-il de tout çà ? Le respect de ces injonctions allait-il impacter grandement la qualité du spectacle ?
Et ben que nenni, malgré une baisse de grosso-modo 50 % du budget du plateau, le Jupiter local, Michel Geindre, DV inspiré depuis un bon paquet d’éditions, a su nous concocter un show magnifique, composé de scénarios mettant en scène le plus souvent un grand nombre d’avions tournoyant comme des mouches en furie ou se poursuivant à grand renfort de rugissement des moteurs et de fumigènes, soulignant des trajectoires parfaites, d’effets pyrotechniques dignes des plus grandes réalisations cinématographiques et de patrouilles et formations que l’on pourrait juger d’improbables, constituées pour l’occasion.
Dans le feu de l’action…
Dans tout cet étalage d’innovations, aucune improvisation n’a sa place… Tout est évidement minutieusement écrit, répété et re-répété… Au temps des Hélices, la sécurité des vols prend une place primordiale dans la constitution du spectacle, l’air boss y tient et le fait savoir, remettant dans le cadre avec fermeté tout pilote ayant des velléités d’en transgresser les règles. On ne rigole pas avec la SV ! Une équipe de contrôleurs et adjoints compétents dans le déroulement du show l’assistent, plusieurs paires d’yeux valent mieux qu’une seule… c’est bien connu !
La gestion des parkings n’est pas non plus une mince affaire lorsqu’on doit gérer une centaine d’appareils susceptibles de participer au spectacle… Alors, que dire de l’équipe de piste, essentiellement recrutés dans les membres de l’AJBS, qui sous la baguette de Jean Luc dit « la grolle », ont véritablement assuré ce travail de Tétris permanent qui consiste à faire entrer en scène, puis ranger inlassablement à leur bonne place les machines qui rentrent de vol, en appliquant nombre de paramètres qui pourrait faire grincer le système…
Chapeau ! De tout çà le public ne voit que la perfection, sans avoir la moindre idée de la difficulté que représente cette « agitation » des gilets jaunes (et certainement pas ceux à qui on pense en premier !)En bref, une mécanique parfaitement huilée et un show comme on ne le voit pas ou plus très souvent de nos jours.
Du côté de l’organisation générale, c’est Cyrille Valente qui est aux manettes et porte la responsabilité de l’aventure. Plusieurs articles ne suffiraient pas à décrire tout ce qu’il a pu vivre en matière de pression, nouvelle contraintes et besoin de résoudre le plus souvent dans l’urgence les milliers de problèmes qui survenaient sans cesse, tout cela dans l’angoisse contenue et invisible (même pour ses proches collaborateurs) du résultat final… Si le public ne jouait pas le jeu d’assister nombreux au meeting (et même si une réelle baisse de fréquentation est une réalité) qu’allait être l’avenir de l’Amicale Jean Baptiste Salis, association dont il assure la présidence et la destinée depuis plus d’une dizaine d’années, avec le souci d’une saine gestion ? Qui voudrait partager sa place ?
La fête, car c’est bien de çà qu’il s’agit commence le tôt le matin, après que l’armada de bénévoles, les “sans-grade” qui oeuvrent dans l’ombre, aient fini d’installer les barrières, le panneautage, l’accueil des équipages et du public, autrement dit l’ensemble de la logistique indispensable au bon déroulement de la Fête. Sans eux rien ne serait possible et Cyrille en leur tirant un grand coup de chapeau tient à leur rendre hommage…
Les hostilités débutent donc avec l’ouverture des portes de l’expo statique où sont parqués les avions, encore un peu endormis. C’est le moment privilégié où chacun peu échanger avec les équipages et mitrailler à loisir les machines en présence…
Ouvrez le ban…
Il est 13 heures. les odeurs de la cuisine équipages au fond du hangar commencent à se dissiper. Les premiers moteurs, là bas sur le tarmac commencent à donner de la voix. Les spectateurs, après avoir effectué quelques emplettes dans le village des exposants se dirigent vers les barrières qui les séparent de la « scène » où ils pourront assister, en témoins privilégiés, à plus de 5 heures de show non-stop, aussi spectaculaire que millimétré.
Après le show bien réglé et tonitruant des radio-modèles « petits gros », les Pionniers (Blériot XI, Deperdussin, Morane H) ouvrent réellement le bal. L’aviation évolue, et dans le même temps le premier grand conflit mondial voit les premiers combats aériens se profiler… ce que va évoquer la séquence 14/18 dans des combats aériens réalistes à grand renfort de tirs de canons, DCA et de (presque) véritable bombardement d’un camp allemand grâce au tableau importé de Tchéquie des Ptérodactyl Flight, mêlant activité au sol et dog-fight …
Vous vouliez du spectaculaire ? et bien en voilà ! Cà commence très fort !
Il y a tout juste 100 ans Adrienne Bolland traversait la Cordillère à bord de sa cage à poules. ll fallait bien le rappeler et c’est Kathy Theimer qui aura la charge de révéler ce pan de l’histoire, aux commandes du Caudron GIII de l’Amicale.
La séquence suivante évoquera le partenariat cette année de l’AJBS avec l’Aéro-club de France qui met en scène pas moins de 9 appareils (4 Fouga Magister Patrouille Tranchant, Pitts et CAP 222 (E ? Vazeille – B. Boillot, patrouille Carnet de Vol), Extra 330 et MSX des Championnes du Monde de voltige (C. Maunoury – A. Lemordant) et Beech Bonanza (N. Ivanoff). Tous ces pilotes sont membres de l’AéCF, plus ancienne institution aéronautique au monde.
L’Histoire se poursuit…
Alors que se déroule le programme des présentations intimement mêlé au cours de l’histoire aérienne, un tableau du transport aérien surgit, composé d’un DC3 (France DC3) d’un C160 Transall et de l’A 400M marquant presque un siècle de missions d’emport de passagers civils ou militaire et de charges sur tous les théâtres d’opérations… Etonnant que ce défilé en colonne de ces 3 appareils tellement différents par la masse qu’ils représentent. Pour le Transall, ce fut très probablement l’une de ces dernières sorties avant la retraite !
Les tableaux relatifs à la seconde guerre mondiale se succèdent à un rythme effréné … JÜ 52, Pilatus P2, FI 156 Storch de la Luftwaffe laissent rapidement la place à la dizaine de NA T6 attaquant en piqué du très spectaculaire et attendu « Tora, Tora – Tora », évoquant de la célèbre attaque Japonaise contre la base navale américaine de Pearl Harbour (île Oahu) du territoire américain d’Hawaï, au matin du 7 décembre 194, bien aidés de ses effets pyrotechniques que l’on ne voit qu’ici, dus à l’artificier Michel Gérard et à son équipe… Oreilles sensibles prévoir les bouchons !
Spitfire MK XIX, seul survivant sur le territoire, PBY Catalina « Miss Pick Up », duo de F4U Corsair, Beech 18 vinrent clôturer ce tableau consacré au second conflit mondial. Un régal pour les yeux et après que les multiples explosions aient cessé pour les oreilles aussi, grâce aux commentaires toujours aussi passionnés et documentés de Bernard Chabbert accompagnés de la bande son du metteur en musique Gilbert Courtois, ingrédients indispensables à l’accompagnement et au succès du spectacle… dont on ne se lasse jamais !
Patrouille de France, Rafale Solo Display, Equipe de Voltige, en plus de la participation du Transall et de l’A400 M marquaient l’importante présence de l’Armée de l’Air et de l’Espace cette année et la volonté de l’Etat Major de venir au plus près du public.
Malheureusement, les évènements d’Afghanistan n’ont pas permis la venue de l’un des Airbus A 330 Phénix MRTT multipliant actuellement les missions d’évacuation depuis ce territoire. Il devait initialement proposer un tableau l’associant à deux Rafale, dans une simulation de ravitaillement en vol. Ce sera pour l’année prochaine, dans un monde plus apaisé… tout au moins espérons-le !
Chaud devant …
Précédant la présentation de l’Atlantique 2 et du Flacon 50 de la Marine Nationale, une dernière séquence tonitruante digne des heures les plus noires des guerres du sud est asiatique dans les années 50 enflamma (au sens propre comme au figuré) le plateau de Cerny… mettant en scène 3 NA T28, le Bronco du Musée de Montélimar et Sandy, le Skyraider avignonnais dans sa nouvelle livrée… Là encore le fracas des explosions et la chaleur du mur de feu mire à mal les oreilles des spectateurs…
« Good morning Viet-Nam and Good bye everybody ! »…et à l’année prochaine… A la Pentecôte, assurément !
Philippe Chetail
Un grand merci au talentueux photographe Nicolas “Nico” Lejeune qui nous a permis d’utiliser ses images pour illustrer cet article.
Portfolio : Photos © Nicolas Lejeune, Franck Cabrol, Ph. Chetail